Lorsqu'un bébé arrive dans une famille, l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle peut être mis à rude épreuve, en particulier pour la jeune maman. Et si à ces défis s’ajoute une maladie chronique ou un handicap, la vie quotidienne peut très vite se transformer en un véritable numéro de funambulisme ! Aménagements, maintien en emploi, mais aussi discriminations : à l’occasion de la Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées, quelques Madies nous racontent les difficultés qu’elles ont pu traverser et les solutions qu’elles y ont apportées.
Le maintien en emploi, une question d’adaptations
Lorsqu’on est concernée par la maladie chronique ou le handicap, la possibilité de préserver son emploi réside souvent dans les adaptations qui peuvent être mises en place. Extrêmement variées, ces modulations des conditions de travail de la Madie doivent avant tout répondre à ses besoins individuels.
Une position fixe devant le poste de travail provoque des douleurs ? Un bureau adapté peut être envisagé. Les déplacements domicile-travail créent une fatigue exagérée ? Il est possible de mettre en place des temps de télétravail, complets ou partiels. Le travail en open space apporte un épuisement cognitif ? Des aménagements plus ou moins conséquents peuvent être évoqués, des dispositifs individuels d’isolement sonore à la possibilité d’un espace de travail individuel.
Mais toutes ces adaptations ne sont possibles qu’après un examen consciencieux des besoins de la personne concernée. Or, il est parfois difficile de prendre du recul sur sa vie quotidienne afin de faire émerger ces besoins. Dans ce cas, il est possible d’être aidée par différents professionnels : un·e ergothérapeute peut évaluer avec précision vos besoins sur le plan physique, tandis que les dispositifs Cap Emploi peuvent vous accompagner dans toute votre démarche d’adaptation de poste.
Les discriminations s’invitent au travail
Malheureusement, certains employeurs peuvent se montrer réticents à procéder aux adaptations nécessaires pour maintenir une personne handicapée ou malade à son poste, ou même simplement à la remplacer temporairement pendant un arrêt maladie. La santé et le handicap restent en effet le premier motif de discrimination, avec 21 % de réclamations auprès du Défenseur des droits pour ce motif*. Bien que totalement illégales, certaines pratiques ont la vie dure au sein des entreprises et institutions publiques, comme en témoigne le parcours d’Anaïs :
“J’ai été en poste jusqu’en décembre 2021 dans le domaine médico-social. Pour mieux comprendre l’impact de cette période, je précise que j’étais mandataire judiciaire auprès des majeurs vulnérables (pour les personnes sous tutelle et curatelle), j’accompagnais donc des gens en grande précarité et avec de grosses problématiques (médicale, financière, judiciaire…)
Durant plusieurs années jusqu’à cette date, j’avais des arrêts maladie réguliers (plusieurs fois par an) de quelques semaines pour gérer mes douleurs et mes difficultés physiques. En décembre 2021, je suis mise en arrêt par mon médecin traitant, pour un mois au départ.
Pendant plusieurs mois, mon employeur me contacte plusieurs fois par mois par téléphone ou mail pour connaître ma date de retour au travail. Je l’ignore et mes arrêts sont renouvelés chaque mois.
Je préviens à chaque fois mon employeur quelques jours avant la fin de mon arrêt pour qu’il puisse être informé au plus vite (je me dis que je fais au mieux pour ne pas mettre l’employeur plus en difficulté : culpabilité, bonjour !)
En octobre 2022, je reçois un appel de ma direction qui me dit : “Anaïs, je n’ai pas le choix de vous licencier, votre absence désorganise le service et met à mal l’accompagnement des personnes (encore grosse culpabilité 😌). Je vous laisse le choix entre 3 options : rupture conventionnelle, licenciement pour inaptitude, licenciement pour désorganisation de service.”
Après quelques jours de réflexion et d'échanges avec mes proches, tout le monde me conseille de me défendre et de ne pas les laisser faire.
Je me rapproche d’un syndicat (branche spécialisée dans le médico-social) pour qu’il me renseigne. Le juriste du syndicat me confirme que cette demande n’est pas légale et donc discriminante…”
Anaïs, atteinte de polyarthrite rhumatoïde et de spondylarthrite, maman d’une petite fille de 2 ans.
Quand une pause est nécessaire
Pour beaucoup de Madies, le travail est une passion, ou du moins un aspect central de leur vie… Quitte parfois à s’oublier pour donner toujours plus à leur emploi. Laura, ostéopathe, a d’abord été dans cette dynamique :
“J'ai été diplômée en ostéopathie il y a 6 ans et j'ai tout de suite été une jeune ostéopathe hyper dynamique, hyper partante pour plein de projets, plein de remplacements, énormément d'envie, une passion énorme pour mon métier. [...] J'ai très vite complété ma pratique d'ostéopathie par des formations de yoga, parce que je pratiquais depuis plusieurs années et que c'est vraiment quelque chose qui me passionne.
[...] J'étais tellement contente d'être diplômée, de me lancer et de faire ce que j'aime que toutes les endorphines étaient présentes. Je me nourrissais tellement des retours des patients, de ces échanges-là, des cours de yoga… Même si on est crevée avant un cours, l'énergie qui est présente à la fin du cours nous nourrit aussi. Et puis j'avais tendance à dire que mes patients c'était ma thérapie, et ça c'est problématique. J'étais épuisée, mais je donnais tellement de moi en consultation, et le retour des patients ou des élèves de yoga était tellement chou qu’en fait ça me nourrissait, et que je me disais : “J'ai été utile”, donc ça me faisait du bien.”
Laura, 30 ans, atteinte de troubles anxieux généralisés sévères et de douleurs chroniques.
Ce mode de fonctionnement est cependant rarement pérenne, et il peut avoir des conséquences néfastes. Aggravation des symptômes, épuisement et perte de confiance en soi et en ses capacités vont souvent de pair avec une vie professionnelle inadaptée à son état de santé. C’est ce qu’a dû traverser Laura :
“Je suis tombée dans un gouffre, petit à petit, où j'avais tellement mal, je n’étais tellement plus moi-même, que j'ai commencé à annuler des consultations, parce que comment prendre soin des autres quand on va soi-même très mal ?
[...] J'ai commencé par annuler des patients, les reporter, et puis en fait ceux que je reportais je les ré-annulais. Ça a été vraiment compliqué, parce qu’au niveau de l'estime de soi c'était catastrophique. Ça fera trois ans en avril que je suis sur ce genre de modèle, il y a des moments où j'arrive à retravailler un petit peu, et puis des moments où je reporte les patients, j'annule etc.”
Lorsque emploi et santé ne sont plus alignés, voire entrent en collision, une pause professionnelle peut s’imposer. Que l’on soit seule ou accompagnée par des professionnels, elle permet de faire le point sur ses capacités physiques et cognitives réelles, depuis l’apparition du handicap, et de préparer sereinement des adaptations ou une reconversion si nécessaire – deux aspects difficiles à envisager lorsque le quotidien se partage entre le travail et le repos pour compenser l’épuisement provoqué par celui-ci.
Trouver son équilibre entre vie professionnelle, maternité et maladie chronique n’est pas chose facile : il est normal de se sentir perdue, voire démunie. Des dispositifs existent pour vous accompagner dans votre maintien ou retour en emploi : pensez à vous rapprocher de ces structures ! Vous pouvez aussi nous rejoindre pour en discuter avec d‘autres mamans concernées, sur le canal “Vie professionnelle” de notre groupe de soutien Entre Madies. À bientôt !
* Source : Journée zéro discrimination et handicap | Mon Parcours Handicap : https://www.monparcourshandicap.gouv.fr/actualite/journee-zero-discrimination-comprendre-et-lutter-contre-les-discriminations-liees-au
Pour en savoir plus
Le site national de Cap Emploi : https://www.capemploi.info/
N. B. : Cap Emploi est un service départemental, pensez donc à consulter le site de votre département de résidence.
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