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Entre juillet et octobre 2024, nous avons diffusé une enquête auprès de notre communauté : sur nos réseaux sociaux, dans notre newsletter et auprès de nos adhérentes.
L’objectif était simple mais essentiel : mieux comprendre l’impact de la maladie chronique et du handicap sur l’allaitement, qu’il s’agisse du désir d’allaiter, de la mise en place ou de la durée de celui-ci.
Pourquoi cette enquête ?
Chez Mady, nous recevons régulièrement des témoignages de mamans et futures mamans qui se questionnent :
“Est-ce que ma maladie va compliquer l’allaitement ?”
“Mes traitements sont-ils compatibles ?”
“Avec la fatigue, la douleur, est-ce que j’y arriverai ?”
Nous sommes donc parties de plusieurs hypothèses — issues de cette réalité de terrain :
L’allaitement pourrait avoir un impact sur les symptômes de certaines pathologies chroniques.
Les mamans malades ou handicapées allaitent peut-être moins que les mamans “valides”, du fait des limitations physiques, de la douleur, ou encore de traitements supposés incompatibles.
À l’inverse, elles pourraient allaiter davantage, parce que la santé prend une place centrale dans leur vie, et que l’allaitement est perçu comme un geste protecteur pour leur bébé.
Enfin, un accompagnement réellement adapté pourrait favoriser une mise en route plus sereine et une durée d’allaitement plus longue.
Une enquête riche : 63 témoignages analysés
Notre enquête a réuni 63 femmes, âgées en moyenne de 34 ans, réparties partout en France. La majorité (70 %) sont mamans d’un enfant, les autres de deux ou trois.
Les pathologies qui les touchent sont très variées : sclérose en plaques, endométriose, fibromyalgie, polyarthrite rhumatoïde, syndrome d’Ehlers-Danlos, troubles bipolaires, et de nombreuses autres pathologies.
Elles vivent au quotidien avec des douleurs chroniques, une fatigue intense, des troubles digestifs, des troubles psychiques ou cognitifs, des limitations motrices… autant de réalités qui peuvent rendre la maternité — et l’allaitement — encore plus exigeants.
Nous avons pris le temps de lire chaque témoignage, de les décortiquer, de les croiser et de les analyser pour vous proposer une restitution claire des principaux enseignements.
(* Le profil détaillé des répondantes figure à la fin de l’article.)
L’allaitement du premier enfant : entre désir et réalité
Le déroulement de l’accouchement
Parmi les répondantes, 75 % ont accouché par voie basse, 25 % par césarienne (programmée ou en urgence).
La très grande majorité (96 %) ont accouché en maternité, dont 40 % dans une maternité de niveau 3.
L’expérience de l’accouchement est très contrastée :
40 % l’ont vécu très positivement (8 à 10/10)
25 % très négativement (1 à 3/10)
La note moyenne : 6/10.
Ces vécus parfois difficiles peuvent déjà affecter le démarrage de l’allaitement.
Le désir d’allaiter : fort et largement présent
Avant l’accouchement, 70 % des femmes souhaitaient allaiter. Elles se sont principalement informées auprès de leur sage-femme, de leur gynécologue, sur internet et via les réseaux sociaux.
Après la naissance :
60 % ont pu réaliser la tétée d’accueil ;
30 % n’ont pas pu, en raison de complications (hémorragie, anesthésie, urgence médicale…).
Au final, 73 % des participantes ont allaité.

Parmi celles qui désiraient allaiter pendant la grossesse, 99 % ont allaité, malgré les difficultés ou la maladie.
L’accouchement ne semble pas impacter le fait d’allaiter…
Parmi celles ayant vécu un accouchement très difficile, 75 % ont allaité, presque autant que celles dont l’accouchement s’est très bien passé (68 %).
… mais il impacte la tétée d’accueil
Chez celles ayant vécu un accouchement compliqué, seules 50 % ont pu faire la tétée d’accueil, faute de conditions favorables.
Pourquoi vouloir — ou ne pas vouloir — allaiter ?
Les motivations à allaiter les plus fréquentes :
donner le meilleur à son enfant (OMS, santé, prévention) ;
lien d’attachement ;
simplicité et praticité ;
se sentir utile malgré les limitations physiques ;
réparer un accouchement difficile ;
envie de faire la tétée d’accueil.

Les raisons de ne pas allaiter :
Pour 60% des femmes n’ayant pas allaité, la raison principale était l’incompatibilité des traitements avec l’allaitement. Pour les autres, on note :
fatigue extrême ;
symptômes de la maladie ;
impression de manquer de lait ;
mauvais vécu de grossesse/accouchement ;
absence d’envie ;
manque d’informations fiables.

Le déroulement de l’allaitement
La durée de l’allaitement varie énormément d’une maman à l’autre. Elle dépend à la fois du projet initial, du vécu de l’accouchement en post-partum, de la pathologie et de la qualité de l’accompagnement reçu.
Certaines ont pu allaiter plusieurs mois, parfois plus d’un an, tandis que d’autres ont dû interrompre plus tôt que prévu.

Ces données montrent que, pour les mères concernées par une maladie chronique ou un handicap, la durée d’allaitement n’est pas seulement une question de volonté : elle dépend surtout de facteurs médicaux, physiques et émotionnels, souvent complexes et intriqués.
Les difficultés rencontrées : entre défis “classiques” et obstacles liés à la maladie
Les mamans ayant répondu à l’enquête décrivent deux types de difficultés :
- des difficultés “classiques”, que rencontrent de nombreuses femmes en post-partum,
- et des difficultés directement liées à leur pathologie chronique ou à leur handicap, qui viennent amplifier les premières.
De nombreuses répondantes évoquent des défis déjà bien connus du post-partum, mais qui se révèlent plus difficiles à surmonter quand la maladie s’en mêle.

À noter que 8 mamans indiquent n’avoir rencontré aucune difficulté, preuve qu’un allaitement serein reste tout à fait possible.
D’autres difficultés sont spécifiquement liées à la pathologie, et apparaissent comme un véritable frein à l’allaitement :
douleurs articulaires ou musculaires (bras, dos, bassin, mains, cervicales…) ;
douleurs chroniques exacerbées par la posture, le manque de sommeil ou la charge physique ;
fatigue chronique intense, rendant certaines tétées ou nuits très difficiles ;
positions d’allaitement douloureuses ou impossibles ;
douleurs post-césarienne majorées, notamment chez les mamans ayant une pathologie inflammatoire ou une mobilité réduite.
Ces obstacles rappellent à quel point l’allaitement, souvent présenté comme “naturel”, peut devenir un véritable parcours du combattant lorsqu’on vit avec une maladie chronique ou un handicap.
Quelques citations résument ce que beaucoup ont exprimé :
“La désinformation du milieu médical a compliqué la mise en place.”
“Mon entourage me poussait à arrêter alors que tout se passait bien.”
“Les difficultés ont accéléré ma rechute.”
Ces récits rappellent l’importance d’un accompagnement compétent, bienveillant et adapté, pour éviter que l’allaitement ne devienne un facteur de souffrance ou d’aggravation.
L’accompagnement : un facteur clé
Les réponses montrent que les mamans vivant avec une maladie chronique ou un handicap sont accompagnées de manières très diverses.
Certaines ont pu compter sur :
une sage-femme indépendante (16 répondantes),
une conseillère en lactation (12),
l’équipe de maternité (12),
des groupes de soutien ou associations (7),
la PMI (3),
ou encore leur entourage (3).
Mais un chiffre interpelle : 12 mamans déclarent n’avoir bénéficié d’aucun accompagnement.
Un constat particulièrement préoccupant pour des allaitements déjà fragilisés par la maladie.
L’accompagnement prolonge clairement la durée de l’allaitement
Les données sont sans ambiguïté : l’accompagnement fait une vraie différence.

L’effet est encore plus marqué chez les mamans accompagnées par une conseillère en lactation.
Parmi celles qui ont bénéficié de cet accompagnement spécialisé : 50 % allaitent plus de 2 ans.
Un taux exceptionnel, qui souligne l’impact majeur d’un soutien compétent, formé et bienveillant — surtout lorsque la maladie complexifie l’allaitement.
Les répondantes ont noté la qualité de l’accompagnement reçu :
6,2/10 pour l’accompagnement global,
5,7/10 pour la mise en place de l’allaitement.
Des scores moyens qui montrent qu’il reste encore beaucoup à faire pour offrir un soutien adapté aux besoins spécifiques de ces mamans.
La pression sociale : un poids supplémentaire pour des mamans déjà fragilisées

Plus d’une maman sur deux ayant répondu à l’enquête (56 %) dit avoir ressenti une forme de pression sociale autour de son allaitement. Et cette pression peut venir de partout.
Certaines décrivent une pression pro-allaitement en maternité, parfois insistante, parfois culpabilisante. D’autres évoquent au contraire une pression anti-allaitement, venant de leur entourage, de leur famille ou même de leur conjoint, les poussant à arrêter.
À cela s’ajoutent les remarques intrusives que beaucoup connaissent trop bien :
“C’est trop long.”
“Tu vas t’épuiser.”
“Tu pourrais nourrir des jumeaux !”
“Quand est-ce que tu arrêtes ?”
Certaines mamans rapportent même avoir subi des remarques violentes ou humiliantes, qui ont ébranlé leur confiance et fragilisé leur allaitement, déjà rendu plus complexe par la maladie ou le handicap.
“On m’a dit que j’étais une vache laitière, que mon fils était obsédé par les seins, que maintenant qu’il avait des dents il était assez grand… ces remarques en fait ça n’a jamais arrêté.”
La conclusion de ces mamans ? “Et si on laissait les mères tranquilles ?”
L’impact de l’allaitement sur la maladie chronique
Seules 17 mamans ont pu s’exprimer sur ce point, il faut donc interpréter ces résultats avec prudence.
Cependant, une tendance se dessine clairement : pour la majorité, l’allaitement n’a pas eu d’impact majeur sur la maladie, ni positif, ni négatif.
Quelques nuances apparaissent selon les pathologies, mais globalement, la présence d’une maladie chronique ne semble pas empêcher l’allaitement, ni l’aggraver.
Ce constat est rassurant et souligne qu’avec un accompagnement adapté et des choix éclairés, il est tout à fait possible d’allaiter même en vivant avec une maladie chronique ou un handicap.
L’allaitement des enfants suivants : une expérience souvent plus sereine
Pour celles qui ont eu un deuxième enfant, l’enquête montre que l’expérience change souvent du tout au tout.
Un deuxième accouchement mieux vécu
70 % des mamans indiquent avoir plutôt très bien vécu leur second accouchement (note 8 à 10/10), contre 40 % pour le premier.
La note moyenne de ressenti passe de 6/10 pour le premier enfant à 8/10 pour le deuxième.
Cette évolution montre que l’expérience et la confiance gagnées lors de la naissance du premier enfant jouent un rôle majeur dans le vécu de la naissance suivante.
60% des mamans ayant eu plus d’un enfant ont choisi d’allaiter leur second enfant.

Les raisons principales :
meilleure confiance en soi, moins d’appréhension,
bébé qui prend mieux le sein,
accompagnement professionnel plus adapté ou plus ciblé,
plus de lâcher-prise : par exemple, s’autoriser à utiliser la tétine.
“J’avais l’expérience, moins d’appréhension et moins de considération pour le regard et les avis des autres.”
“La sage-femme du retour à la maison était formée ++ à l’allaitement et m’a donné des conseils que je n’avais pas eus.”
“J’étais mieux renseignée et je savais à peu près à quoi m’attendre.”
Une satisfaction mitigée concernant l’accompagnement
Même si le vécu de l’allaitement s’est amélioré pour beaucoup, la qualité de l’accompagnement reste perfectible, avec une moyenne de satisfaction de 5/10.
On peut ainsi voir que l’expérience, la confiance et le savoir-faire des mamans elles-mêmes compensent parfois le manque de soutien professionnel.
Conclusion et perspectives
Cette enquête montre que les mamans vivant avec une maladie chronique ou un handicap peuvent allaiter, mais que leur parcours est souvent semé d’obstacles spécifiques.
La maladie ou le handicap ne constituent pas une barrière automatique à l’allaitement, mais la fatigue, la douleur, les traitements et le manque d’accompagnement peuvent rendre ce chemin plus difficile.
Pourtant, les témoignages révèlent une force et une détermination remarquables : même après un accouchement compliqué, la majorité des mamans allaitent, et l’expérience acquise lors de la naissance du premier enfant rend souvent le second allaitement plus serein et confiant. L’accompagnement spécialisé, notamment par une conseillère en lactation, apparaît comme un levier majeur pour prolonger et sécuriser l’allaitement, tout comme la confiance en soi et le soutien de l’entourage.
À partir de ces enseignements, plusieurs pistes concrètes se dessinent pour améliorer le parcours d’allaitement :
Préparer et informer les futures mamans dès la grossesse, sur les spécificités de l’allaitement en situation de maladie chronique ou de handicap.
Former les professionnel·le·s de santé pour proposer un accompagnement plus juste, inclusif et adapté à l’handi-maternité.
Adapter les environnements de soins avec du matériel ergonomique et des protocoles ciblés.
Assurer un suivi postnatal continu, via des visites à domicile ou un soutien à distance.
Valoriser les témoignages des mamans et les inclure dans la co-construction des pratiques professionnelles.
Mieux coordonner traitements et allaitement pour garantir sécurité et sérénité.
Ces recommandations rappellent que l’allaitement ne dépend pas seulement de la volonté d’une mère, mais du réseau humain et professionnel qui l’entoure. Avec un accompagnement adapté, une information claire et du soutien, chaque maman, quelle que soit sa condition, peut allaiter en confiance et selon ses choix.
Rappelons que chaque parcours de maternité est unique. Allaiter peut être une expérience précieuse, mais ce n’est pas une obligation.

*Profil détaillé des répondantes :
63 femmes d’une moyenne d’âge de 34 ans réparties dans toute la France et 3 en Suisse. 70% des répondantes ont 1 enfant, les autres ont entre 2 et 3 enfants.
Ces femmes sont atteintes de (du plus au moins cité) : Sclérose en plaques (6), Endométriose (6), Fibromyalgie (4), Polyarthrite rhumatoïde (3), SED (3), Troubles bipolaires (3), Adenomyose (2), Cardiomyopathie (2), Hypermobilité (2), Spondylarthrite (2), Myofasciite à macrophage (2), Arthrogrypose, Asthmatique sévère, Encéphalomyélite myalgique, SOPK, algie vasculaire de la face, Hernies discales cervicales, neuropathie des petites fibres, Glaucome, Hyperthyroïdie, Insuffisance rénale chronique, Maladie de Behçet, Maladie de Crohn, Myasthénie auto immune, Connectivité mixte, Schizophrénie, Trouble borderline, Rhumatismes psoriasiques, Migraines avec auras, SSI, Syndrome de la queue de cheval, Syndrome de Sharp, Syndrome de Raynaud, Syndrome du mal de débarquement, SIBO, Tétraplégie…
Elles cohabitent avec des symptômes variés : fatigue chronique, douleurs chroniques, problèmes digestifs, troubles de l’équilibre/vertiges, difficulté à se mouvoir, troubles cognitifs, troubles de l'alimentation, troubles psychiques/psychiatriques.
50% de ces femmes ont accouché entre 2022 et 2024 de leur premier enfant, 30% entre 2018 et 2022, 20% ont accouché de leur premier enfant avant 2018.
75% d’entre elles ont accouché par voie basse, 15% en césarienne programmée et 10% en césarienne d’urgence.
96% de ces femmes ont accouché en maternité dont 40% en maternité de niveau 3.
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